LE TEMPS D’UN FLEUVE de LORENA ZILLERUELO
18.09.2021 — 02.01.2022
Frac Grand Large — Hauts-de-France
À l’invitation de l’association d’éducation populaire Travail et Culture dont l’enjeu est de questionner les transformations et représentations du monde du travail, l’artiste Lorena Zilleruelo a suivi, avec sa caméra, un couple de bateliers flamands dans leurs trajets transportant des containers.
« Le temps d’un fleuve » est une vidéo filmée durant plusieurs années à différentes saisons. Elle suit le travail de Rudi et Kris Beeksmans, couple de bateliers sur L’Escaut. Naviguant entre le Nord de la France et Anvers. Au fil des paysages qui défilent, le récit de Rudi nous plonge dans son quotidien de labeur. La nature se déploie, dans une lente cadence qui invite à vivre le temps de ce fleuve du canal de Dunkerque.
Plasticienne, vidéaste et réalisatrice, Lorena Zilleruelo est née au Chili en 1974, elle s’est installée en France à ses 18 ans où elle a suivi des études d’art et de cinéma. Au Fresnoy, elle réalise en 2009 une installation immersive Élan et élégie qui rejoint la collection du Frac Grand Large. Ses films et installations s’inscrivent dans une veine intime tout en appelant l’action politique et la mémoire collective.
Ce film nous appelle à questionner le rythme de nos vies qui, même situé dans un contexte où la lenteur et une apparente tranquillité priment, se heurte à l’oppressante demande de rentabilité, l’exigence de croissance qui, dans son chemin, décime des lignées de métiers jadis exercés avec élan et vertu.
SYNOPSIS
Rudi est batelier sur l’Escaut, descendant d’une discrète dynastie qui a navigué et vécu au fil de l’eau, et ce depuis le début du 19e siècle. Il fait partie de ce « peuple de l’eau », nomade, qui vit, habite et travaille sur les fleuves et les canaux. D’écluse en écluse, de port en port, il traverse des paysages bucoliques, urbains, industriels pour gagner sa vie. La tâche est devenue trop âpre. Il doit livrer des containers dans des délais de plus en plus courts. Le transport fluvial est écologique et donc attractif, les cadences s’envolent face aux sollicitations du marché. Cette exigence oppressante, l’angoisse de ne pas arriver dans les temps ou de ne pas suffisamment remplir le carnet de commandes, le stress et l’usure, se heurtent à la réalité quotidienne du batelier et de sa femme qui naviguent dans un espace-temps parallèle, autre, rythmé par la lenteur et la solitude. Les attentes aux écluses sont longues. Autrefois, ces étapes étaient des lieux de vie et d’échange. Aujourd’hui, l’automatisation gagne du champ. Désormais, Rudi et sa femme rentrent « à terre » le week-end pour relâcher la pression. C’en est fini du romantisme. Comme un agriculteur, il se sent dépossédé de son milieu, doux et apaisant en apparence, par une modernité qui ne le voit pas et exige toujours plus. On ne le laisse plus maitriser son élément. Il n’est plus maître de son temps. On lui demande d’aller plus vite que le rythme de l’eau. Et puis, beaucoup de ces compagnons rejoignent la terre. Être nomade et solitaire n’est pas donné à tout le monde. L’époque ne s’y prête pas. La lignée de Rudi s’échouera avec lui sur les rives d’un monde moderne qui ne laisse pas de place au rythme naturel, au temps de l’eau. Au temps d’un fleuve. Les enfants ne reprendront pas le métier.
Le temps d’un fleuve, vidéo, 2021, 33’50’’. Production : Travail et Culture (TEC CRIAC). Réalisé dans le cadre du projet « Le Fluvial en devenir » Avec le soutien du programme « Résidence d’artistes en entreprises » de la DRAC Hauts-de-France.
Date()s
18.09.2021 — 02.01.2022