FRAC Grand Large

Hauts-de-France

POINT DE VUE DESIGN #3

17.05.2025 — 04.01.2026

Frac Grand Large — Hauts-de-France

Aldo BAKKER, Pink Stool (2015) © Aldo Bakker

En partenariat avec la Chambre de Métiers et de l’Artisanat (CMA) Hauts-de-France 

17.05.2025 – 04.01.2026  
Vernissage le 4 octobre 2025 (visite à 15h30 et vernissage à 17h)

Cette exposition fait suite à une proposition de Max Vandermarlière, membre de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat (CMA) Hauts-de-France et du Conseil d’administration du Frac Grand Large, avec l’ambition de valoriser une sélection d’artisans de la région grâce à un dialogue entre leurs créations et les pièces design de la collection du Frac. Les pièces exposées résultent parfois de croisements de compétences, mêlant artisanat et industrie, techniques anciennes et novatrices.  

La préservation des savoir-faire traditionnels se révèle à travers les portraits des artisan·es, mais aussi à travers certaines pièces emblématiques comme la table prêtée par l’atelier L’Art du Cannage. Cette pièce illustre la technique particulière du cannage soleil où le médaillon central en bois est maintenu uniquement par le tissage en fils de canne autour de lui. Introduite par les Anglais au XIXe siècle, ce savoir-faire n’est officiellement plus enseigné en France. Pour la réalisation de Pink Stool (2015), Aldo Bakker utilise une technique ancestrale, celle de la laque végétale naturelle Urushi extraite d’un arbre spécifique. Des artisan·es se forment auprès de grands maîtres, il faut compter une dizaine d’années d’apprentissage pour appréhender toutes les complexités et le raffinement de cet art du laquage. Le projet fab. est, quant à lui, né de la collaboration entre la designer matali crasset et la galeriste Nadine Gandy en République tchèque. Il permet de perpétuer des savoir-faire locaux autour du verre, de la cire et du savon, soit glassfab. waxfab. et soapfab. Chaque créateur invité recevait une orientation thématique comme point de départ, tout en bénéficiant d’une grande liberté d’interprétation. Les créations qui en résultent, à la croisée de l’art et de l’objet utilitaire, mêlent innovation et tradition pour redonner sens et beauté aux objets fabriqués, à l’instar de l’arrosoir Flowershower (2003) de matali crasset.  

Plusieurs des pièces exposées sont nées de l’alliance de différents savoir-faire. Ainsi, Laurence Mieg de L’Art du Cannage s’est associée à la céramiste Françoise Bergaglia pour réaliser un claustra. Elle a également travaillé avec la plumassière Béatrice Bost-Le Mouël pour réaliser un luminaire à quatre mains. De son côté, Alexandre Labruyère s’est rapproché de la céramiste Aude Bray-Deperne pour imaginer un guéridon alliant différents états de grès et de frêne. Enfin, la Marbrerie Vandermarlière a apporté son expertise pour surmonter la table Roseaux d’un plateau en pierre de Soignies.  

Selon Hella Jongerius, la création ne se limite pas à une simple réponse fonctionnelle ou esthétique ; elle doit également véhiculer du sens et établir un lien émotionnel avec l’utilisateur. Combinant les nouvelles technologies et le fait main, la designer souhaite créer des objets attachants que leurs propriétaires voudront transmettre aux générations suivantes. Certaines imperfections confèrent une singularité précieuse qui renforce ce lien affectif. Pour sa série Soft Urn (1994 – 2004), elle a choisi de conserver les irrégularités laissées par les moules sur les vases, afin que ces pièces, produites en série, retrouvent un caractère unique et authentique.  

Ce désir de singularité, qu’elle naisse de l’action ou de la non-action de la main, se retrouve chez certain.es créateur·rices qui vont jusqu’à imaginer l’implication du ou de la propriétaire de l’objet, au-delà d’une simple mise en espace dans un intérieur. C’est le cas des frères jumeaux Gilles et Vincent Turin, graphistes, qui ont collaboré avec le groupe RADI Designers pour concevoir Wall Invaders (2002). Ce kit permet la réalisation d’une surface murale en DIY (Do it yourself). Des feuilles de papier deviennent ici le support d’une action ludique et créative : à l’aide d’un pistolet fourni, l’utilisateur·rice tire trois fléchettes aux motifs différents, après avoir imprégné l’embout de caoutchouc dans de l’encre. Le placement des motifs imprimés dépend entièrement de la précision du geste, sans contrainte de nombre ou de position. Cette approche libre évoque les origines artisanales du papier peint, dont les premiers décors étaient réalisés à la main, rendant chaque composition unique. Ce principe de participation active de l’usager se retrouve également dans le travail de Tord Boontje, notamment avec Wednesday Light (2001), un abat-jour constitué d’une feuille de métal ajourée de motifs végétaux, qui s’enroule autour d’une ampoule. À l’achat, il revient à l’utilisateur·rice de monter soi-même les éléments de manière aléatoire sur une matrice conique. Évoquant les premières lueurs du soleil filtrant à travers une végétation luxuriante, chaque agencement est une création unique.   

Un trait commun réunit plusieurs designers présentés ici – Aldo Bakker, Tord Boontje, Hella Jongerius, Joris Laarman, Guillaume Vandermarlière : un passage par la Design Academy Eindhoven (DAE) aux Pays-Bas, que cela soit comme étudiant·e ou enseignant·e. Pourtant, l’hétérogénéité des formes exposées est une preuve de la diversité de développements possibles et de chemins créatifs que permet cette école. Durant sa formation, Joris Laarman s’interrogeait sur l’opposition traditionnellement posée entre fonctionnalité et ornements.  Il aspirait à concevoir des objets à la fois utiles et visuellement riches, en rupture avec le minimalisme imposé par certains courants du design. C’est dans cette perspective, qu’il conçoit, à la fin de ses études, un radiateur hors normes, le Heat Wave (2003). Celui-ci tire parti de la surface murale disponible : plus elle est étendue, plus le radiateur est efficace. En s’inspirant du style rococo, Joris Laarman exploite les volutes décoratives qui s’étalent sur le mur plan ou qui s’étendent dans les recoins d’une pièce comme pour ce prototype. De son côté, Aldo Bakker – fils du designer Gijs Bakker, cofondateur de Droog Design – adopte une approche sensorielle du design dans laquelle la fonctionnalité de l’objet arrive dans un second temps, laissant même parfois à l’usager le soin d’en décider. Cette liberté d’interprétation et d’usage devient manifeste avec le tabouret-sculpture Pink Stool (2015).  

Cet accrochage démontre que l’usage de techniques contemporaines n’exclut en rien l’héritage de savoir-faire traditionnels. Dans chaque domaine s’applique une haute qualité technique d’exécution, rappelant que l’objet, véhicule d’émotion, est avant tout pensé pour celles et ceux qui l’utilisent.  

Avec les œuvres de Aldo BAKKER, Tord BOONTJE, matali crasset, Hella JONGERIUS, Joris LAARMAN, RADI DESIGNERS, Gilles TURIN, Vincent TURIN, THONET, Laurence MIEG (L’Art du Cannage), Françoise BERGAGLIA (atelier INTERRACOTTA), Béatrice BOST-LE MOUËL (atelier PLUMAVERA), Alexandre LABRUYÈRE, Aude BRAY-DEPERNE, Guillaume V-Ander  

Date()s

17.05.2025 — 04.01.2026